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Christophe Barreau, Le mot de l’architecte


Pourquoi le TS3 ?

Il n’aura échappé à personne qu’une croisière revêt un caractère très différent en fonction du bateau sur laquelle elle a lieu et pourtant le programme de navigation est le même. Cette lapalissade mérite cependant que l’on y regarde de plus près.

J’ai fait ce constat, s’il en était besoin, il y a un bon paquet d’années lors de deux croisières au Spitsberg et aux Lofotens, l’une sur un confortable Catana 40 « Diabolo » que j’appellerai « bateau maison » même si les performances étaient plus qu’agréables et deux années plus tard sur un Hobie 18’. Nous avions bien sûr apprécié le confort de notre cata bien chauffé qui nous avait permis d’admirer ces paysages magnifiques en toute sérénité mais nous avions aussi aimé la liberté que nous offrait le cata de sport et la symbiose au milieu naturel exceptionnel dans lequel nous évoluions. A bord de Diabolo nous étions spectateurs, avec le F18’ nous appartenions au milieu traversé, du moins nous en avions le sentiment. Le petit tirant d’eau, la possibilité de se séparer du bateau en le laissant en sécurité à terre ou dans une embouchure de ruisseau ou abrité par une lagune peu profonde avait élargi le champ du voyage.

Bien entendu même si notre Catana 40’ était un très bon voilier, les sensations étaient plus vives à bord de notre Hobie mais pas forcément plus rapide d’ailleurs !

Alors j’ai réfléchi à un bateau qui serait une sorte de cata de sport raisonnable capable d’aller loin, le voyage étant la motivation première en ce qui me concerne. Je ne me suis imposé aucune typologie mais finalement le cata a repris le dessus car il semblerait qu’il soit le seul autorisant un espace de vie minimaliste répondant aux critères que je m’étais fixés en terme d’espace et de vue. La contrainte de taille d’une couchette et la contrainte de transportabilité (container) ont défini les proportions de la cellule de vie imaginée comme une tente rigide ultra légère abritant deux vraies couchettes doubles, un carré avec sièges transformables en position repos/veille. En effet je n’imaginais pas vivre dans les flotteurs qui ne peuvent accueillir, de mon point de vue, que des bannettes d’appoint. Cela a défini une masse et m’a renvoyé à une longueur de flotteur que j’ai allongée d’un mètre pour apporter un peu plus de sécurité longitudinale et diagonale en cohérence avec le programme semi hauturier. Les espaces de vie des trimarans et des monocoques sont pour moi toujours trop profonds et étroits en termes d’espace avec des vues sur l’extérieur très limitées et des cockpits très réduits sauf à empiéter sur les espaces intérieurs. Je trouve que l’intérieur et l’extérieur ne sont pas assez en relation sur ces deux types de bateaux. Le catamaran s’est donc imposé de nouveau.

Un vieux rêve de voyage vers le Japon me trotte dans la tête depuis un moment et comme j’aime les navigations dans les régions polaires, la route évidente est de passer par le nord. Si l’on se penche sur les cartes on s’aperçoit que la plus grande distance à parcourir sans abri sur ce parcours est d’environ 250 NM. Compte tenu de la précision des prévisions météo sur 48h il apparait possible d’envisager un tel voyage avec un petit bateau rapide sans prendre trop de risques.

Fort de ces constats et réflexions c’est donc sur ce projet complété d’un projet de course /raid sur le passage du nord-ouest qu’est née l’idée du TS3.

J’ai conçu un espace de vie intérieur minimaliste mais spatialement qualitatif, lumineux, avec des vues très larges sur les paysages, ergonomique et reposant (nacelle montée sur silent bloc donc étonnamment silencieuse).

Afin d’assurer le plaisir de la glisse, des performances de haut niveau et un toucher de barre exceptionnel, très sensible et équilibré, les appendices sont très soignés avec des safrans relevables à fort allongement et des dérives asymétriques légèrement porteuses.

Pour la sécurité et la liberté, un tirant d’eau de 35 cm en charge pour pouvoir se mettre en sécurité dans le moindre trou de côte ou bien le hisser sur une plage ou des floes avec des rouleaux gonflables en cas de situation extrême ou durable en accord avec le projet de voyage en direction du Japon par le passage du nord-ouest.

Avoir la possibilité d’envoyer ou ramener le bateau d’une contrée lointaine m’a semblé intéressant pour les homo-sapiens peu disponibles que nous avons parfois choisi d’être… J’ai donc intégré cette contrainte qui élargit le plan d’eau accessible aux futurs propriétaires et permettra aussi de livrer facilement les bateaux sur d’autres continents. Cela offre de plus des possibilités de stockage plus économiques en dehors des périodes d’usage.

Restait à gérer la question de l’énergie. Pour une plus grande autonomie liée à ce programme de navigation en régions éloignées de toutes ressources, j’ai opté pour une motorisation électrique logique au regard de la faible trainée des flotteurs. Le bateau est donc équipé de deux pods Torqueedo relevables en puits avec un bouchon de fond de puits afin de conserver un fond de coque parfait à la voile sans perte de flottabilité. Le bateau doit pouvoir produire son énergie, ce qui lors des premiers essais fonctionne au-delà des espérances. La puissance de 4kw*2 permet de naviguer à plus de 7nds.

Ce choix relève bien entendu d’une démarche plus globale d’éco-responsabilité qui s’exprime par les choix de motorisation et l’utilisation de fibres basalte plus facilement recyclables, mais aussi plus globalement par les dimensions et options minimalistes du projet.

Le rêve de voyage vers le Japon par la route nord que j’aime appeler la route des pierres de gués du fait des petites étapes nécessaires pour accomplir ce parcours d’un continent à l’autre, à l’image du torrent que l’on franchi en sautant de pierre en pierre, a été renforcé par le projet d’un raid « Passage du Nord Ouest ». L’idée pourrait être d’autoriser l’usage des moteurs électriques du fait de l’autonomie énergétique du bateau. Ceci est d’autant plus justifié que le vent se fait parfois rare dans ces régions et que justement les glaces s’ouvrent dans ces périodes.

Plus léger, plus loin, plus libre le TS3 propose une autre façon de naviguer qui allie un très bon niveau de performance et un espace qualitatif tourné vers des horizons lointains.

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